• Sherockee s’était cachée dans une petite crevasse, roulée en boule. Elle attendit quelques minutes avant d’en sortir. N’importe quel humain mourrait à la profondeur où elle se trouvait, n’importe quel humain serait déjà sorti pour respirer, mais elle pouvait rester des heures. Elle remonta un peu. Des poissons effrayants nageaient tranquillement à côté de la jeune femme, comme si elle eut été une des leurs. Sherockee commença à reprendre sa nage. Elle nagea pendant de longues minutes, assez vite. Au bout d’un moment, elle remonta complètement à la surface. Elle se trouvait en plein milieu de l’océan Atlantique, entre les Amériques, l’Europe et l’Afrique, en pleine nuit. Elle n’avait aucune idée de l’endroit où elle se trouvait, mais savait qu’elle devait continuer à nager pour ne pas que Danam et Codven ou leur armée ne la retrouve.

    Elle réalisa qu’à peine trente minutes plus tôt, elle avait parlé avec Charly, qu’une heure auparavant elle parlait avec le directeur du FBI et que deux heure précédemment elle était en compagnie de Sandra, alors qu’elle se trouvait maintenant en plein milieu de l’océan, pourchassée par deux hommes et une armée. Elle réalisa aussi que Grégoire était resté dans la salle, là où les flèches étaient rentrées. Elle venait de comprendre que c’était peut-être la dernière fois qu’elle avait vu Grégoire. Elle venait de s’en rendre compte. Les larmes lui montèrent aux yeux. Elle voulut retourner à New York, mais savait que si elle le faisait, elle serait stoppée par les deux hommes qui l’attendaient pour lui faire la peau. Elle ravala ses sanglots et recommença à nager, mais s’arrêta.

    « Je ne vais pas assez vite… Mais je peux voler ! Pourquoi n’y ai-je pas pensé avant ! »

    En un instant, elle sauta de l’eau et de grandes ailes se déployèrent. De grandes plumes blanches et grises sortirent de son dos et déchirèrent son pull. Elle n’avait plus l’habitude de voler, mais reprit vite le contrôle. Elle battit plusieurs fois des ailes sur place avant de s’élancer. Elle prit de la hauteur et de la vitesse. Elle arriva au-dessus des Açores quelques minutes plus tard. Elle s’approchait du continent. Les lumières la guidaient et le soleil commençait à se lever. Il y avait du vent, elle frissonna de froid. Sa fleur n’avait pas fanée, mais elle avait souffert de l’eau de mer. Sherockee était un peu décoiffée, mais ça n’était pas sa première préoccupation pour le moment. Elle remontait légèrement vers le nord, son objectif étant d’aller vers la Grande-Bretagne. Elle vola rapidement, les vents furent à son avantage. Lorsqu’elle fut à quelques kilomètres de la Normandie, elle se retourna. La mer s’étendait sous elle. Rien que le bleu. Elle était rassurée, personne ne l’avait suivi. Elle continua sa route. Elle volait au-dessus de l’Angleterre. Au bout de quelques minutes, elle arriva au-dessus de Londres. Personne ne pouvait la voir, heureusement. Elle savait que le monde entier était maintenant en alerte et que n’importe qui aurait pu la voir aurait donné l’alerte. Elle arriva à l’ouest de la ville, elle se posa. Elle était dans un petit quartier, éloigné du centre. Une partie de la ville des plus tranquilles. Sherockee marcha un petit moment et arriva devant une petite maison avec une allée de pierre, bordée de fleur et de buissons de toutes les couleurs. Sherockee rentra par la porte, en usant de sa magie, sans faire de bruit. Elle referma doucement la porte, qui se verrouilla de nouveau dès qu’elle fut fermée complètement. Elle arriva dans un petit couloir, aux couleurs bleu nuit et noires, avec plein de petits points blancs, rouges, oranges et bleu clair. Sherockee rentra dans la chambre. Jonathan dormait profondément. Sherockee voulut le réveiller, mais se rappela que sous cette forme, elle ne pouvait pas le toucher. Elle ferma complètement les volets et les fenêtres. Ensuite, elle reprit sa forme normale. Elle s’assit au bord du lit, doucement. Le soleil se levait. Sherockee voulait réveiller Jonathan, elle tremblait. Elle lui caressa les cheveux. Jonathan sursauta et fit sursauter Sherockee aussi. Il se redressa, et se tourna vers elle.

    – Sherockee ? Mais enfin, qu’est-ce que tu fais ici ? Pourquoi… Enfin…

    – Calmes-toi, s’il te plaît. Je te jure, je ne suis pas là parce que j’en ai envie. L’armée de Danam est venue au FBI. Heureusement, Grégoire m’a fait sortir avant. Je suis venue pour te demander… Enfin…

    – Tu as besoin de moi, c’est ça ? Je comprends, ne t’inquiète pas. J’ai juste été un peu surpris de te voir là. Grégoire est venu te voir ?

    – Oui, mais… L’armée de Danam a lancé des flèches dans la salle où je me trouvais. Grégoire m’a demandé de sortir par la fenêtre, mais il est resté lorsque les flèches sont arrivées. Je ne sais pas s’il est encore en vie.

    Sherockee avait du mal à retenir ses larmes. Elle baissa la tête. Jonathan la serra dans ses bras.

    – Ne t’inquiète pas. On retournera là-bas pour savoir.

    – Non, ça je ne pense pas, fit une voix dans le couloir.

    Danam arriva, la dague de Sherockee dans la main. Il s’appuya contre un côté de la porte. Sherockee s’était levée brusquement, elle avait fait un pas en arrière. Jonathan se leva aussi et se plaça à côté d’elle. Danam les regardait en souriant.

    – Calmez-vous mes tourtereaux ! Je ne vais pas vous manger ! Je venais juste te rendre ça, je pense que c’est à toi.

    Danam fit glisser la dague sur le sol. Sherockee ne baissa pas le regard, elle ne bougea même pas pour la ramasser. La dague s’arrêta à ses pieds.

    – Pourquoi est-ce qu’on ne pourrait pas retourner le voir ? Ça n’est pas toi qui m’en empêcheras.

    – Ah oui ? Tu crois ? Tu ne te rends pas compte qu’en ce moment même, tu décides de son destin ? Tu ne comprends pas ? Je t’explique : il n’est pas mort, mais pourrait bien le devenir si tu retournes en Amérique avant la fin de ton procès. Quel merveilleux échange ! Ce serait dommage qu’il meure à cause de toi, tu ne penses pas ? Pauvre petit Grégoire… Je te promets que nous prendrons bien soin de lui si tu es gentille, et que tu ne retournes pas en Amérique et que tu n’essayes pas de rentrer en contact avec qui que ce soit sur le continent.

    Sherockee resta muette. Elle était heureuse que Grégoire ne soit pas mort, mais inquiète qu’il soit aux mains de l’armée de Danam. Elle sentait maintenant la colère monter en elle. En quelques secondes, elle changea complètement d’état.

    – Mais qu’est-ce que vous me voulez bordel ! Pourquoi est-ce que vous faites ça ? Pourquoi venez-vous m’emmerdez dans ma vie ? Qu’est-ce que je vous ai fait ?

    Sherockee criait, elle se déchainait sur les mots. Danam souriait, comme si la voir énervé le remplissait de joie. Jonathan ne savait pas quoi faire. Sherockee continuait à s’énerver, mais cette fois-ci, elle commençait à s’approcher de Danam.

    – Alors ? Pourquoi ? Pourquoi est-ce que tu m’en veux comme ça ? Pourquoi faites-vous ça ? Juste pour le plaisir ?

    – Calmes-toi ! cria Danam.

    Sherockee se rapprochait encore, elle ne se contrôlait plus. Elle commença à faire des gestes de plus en plus violents. Danam recula d’un pas. Jonathan essayait de l’attraper, mais à chaque fois, il manquait de se prendre un coup. Finalement, Danam attrapa Sherockee au cou, en un seul geste. Sherockee lui infligea un coup de poing à la figure, suivit d’un coup de pied dans le ventre. Danam relâcha légèrement son emprise, Sherockee se dégagea et se déchaîna. Jonathan ne la reconnaissait pas. Il essaya de retenir Sherockee, mais n’arrivait qu’à ralentir ses coups. À un moment, il réussit à la ralentir assez pour que Danam puisse se relever et la bloquer complètement contre le mur. Il avait mis son bras sur son cou, et lui avait passé les mains derrière le dos.

    – Maintenant ça suffit ! Toi Jonathan tu ne bouges pas, sinon je te jure ça va mal aller.

    Sherockee avait repris ses esprits en quelques secondes, elle tomba au sol, assise. Danam la lâcha. Sherockee ne comprenait pas. Elle n’avait pas réussi à se contrôler, elle d’habitude si calme. Elle se trouvait dépourvue de toutes forces, désespérée de ne pas avoir réussi à se contenir, réalisant ce qu’elle venait de faire. Danam essuya le sang qui coulait sur son visage. Il sourit à nouveau. Il s’agenouilla à côté de Sherockee.

    – Tu vois, j’ai l’impression que tu fais semblant de ne pas comprendre. Je commence vraiment à t’aimer.

    Il se releva et sortit de la maison. Sherockee n’avait plus de force, elle ne comprenait pas. Elle ne voulait pas croire ce qu’elle avait fait. Elle n’arrivait plus à bouger. Son état de choc l’empêchait de parler, de se lever. Jonathan arriva à côté d’elle. Il s’assit et la prit dans ses bras. Sherockee avait deux larmes qui roulaient doucement sur ses joues. Elle se blottit contre Jonathan. Les larmes coulaient, mais elle ne disait toujours rien. Rien ne voulait sortir de sa bouche. Elle resta blottit contre Jonathan sans bouger. Lui se rendormit. Le jour se leva, un peu moins d’une heure après. Sherockee se dégagea doucement et se leva. Elle alla prendre une douche, pour nettoyer ses blessures et retirer de son corps les longues journées qu’elle avait passées. Elle resta plusieurs minutes sous l’eau chaude. Elle passa le jet sur sa figure aussi. Ensuite, elle prit de nouveaux vêtements dans l’armoire et les passa. Elle avait un simple jean, un débardeur blanc et un pull sombre. Ensuite, elle retira la fleur de ses cheveux. Elle s’était assombrie, mais n’était pas encore fanée. Sherockee la plaça dans un vase plein d’eau. Elle retourna dans la salle de bain, retira la tresse et démêla longuement ses cheveux. Lorsqu’ils furent parfaitement brillants et lisses, elle retourna dans le couloir. Elle regarda Jonathan allongé par terre et eut pitié. Elle le porta jusqu’à son lit, avec une force phénoménale. Il ne se réveilla pas. Elle le regarda un peu encore avant de retourner dans l’entrée. Elle prit une feuille et un stylo et se mit à écrire.

    « Mon Jonathan,

    Je suis désolée de ce qui s’est passé. Je ne voulais pas qu’ils viennent ici, mais j’ai sous-estimé leurs pouvoirs et me suis laissée avoir. Ils m’ont suivi jusqu’ici. Il faut que tu saches ce qu’il s’est passé avant ce matin. Tu sais déjà que Grégoire est venu me voir. Il est venu lorsque j’étais dans un des nombreux interrogatoires du FBI. Il est arrivé en boitant, plein de blessures au visage. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Il m’a crié dessus pour que je sorte. J’aurais dû rester… Mais il a tellement insisté que je me suis sentit obligée… J’ai sauté par la fenêtre. Lorsque je suis arrivée au sol et que je me suis relevée, les flèches de l’armée noire ont été tirées et sont rentrées dans la salle. J’ai toujours redouté de vous perdre l’un ou l’autre, je n’ai jamais supporté cette idée. Mais à ce moment, je n’ai même pas eu le temps d’y repenser. Danam et Codven se dirigeaient déjà vers moi. Je me suis mise à courir et j’ai fini par aller dans l’Atlantique. Après, je suis allée jusqu’ici. Mais pourquoi ai-je eu cette idée débile ? Je t’ai mis en danger inutilement, je… »

    Sherockee posa une première fois son stylo, les mots lui manquaient. Elle le reprit vivement et continua à écrire.

    « Jonathan, je m’en vais. Je ne peux pas aller aux Etats-Unis, mais si je reste ici, le FBI finira par remonter une nouvelle fois vers toi et ils viendront là. Je m’en vais quelque part où personne ne pourra me trouver. Tu ne dois pas en savoir plus. Je bougerai certainement d’endroit plusieurs fois, alors n’essaye pas de me contacter, même avec la télépathie. Je sais que ça va être dur. Mais s’il te plaît, si tu craques, je craquerais. Ne t’inquiète pas, tout se passera bien, je m’en tirerai. J’ai repris ma dague, mais je te laisse la fleur. Prends-en soin. Elle a souffert, mais je suis sûre que tu t’en occuperas merveilleusement bien et qu’elle reprendra ses belles couleurs.

    Il faut que j’y aille, je dois faire de la route. Prends soin de toi, mon amour. Ne t’inquiète pas pour moi, je m’en sortirais.

    Sherockee »

    La jeune femme posa la feuille bien en évidence. Elle se transforma comme elle l’avait fait dans la mer, mais cette fois sur le sol. Elle regarda le couloir. Chaque point représentait une étoile. Chaque couleur la taille et la puissance de chaque étoile. Sherockee semblait perdue dans ce couloir, comme si elle se trouvait vraiment dans l’Univers. Son regard se posa sur une étoile, plus brillante au milieu de toutes. Celle-ci n’avait pas encore sa propre couleur, mais avait déjà sa place. Sherockee la regarda quelques minutes avant de sortir. Elle s’envola et prit route vers le nord.


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