• 14 (suite)

    Sherockee sourit. Elle plia le mot, le mit dans sa poche et prit son t-shirt. Elle sortit de la chambre après avoir marqué sur une feuille un seul petit mot ; pas grand-chose, mais assez pour faire plaisir. Un petit “merci” comme on en dit tous les jours, mais qui, dans certains moments, a un sens plus fort.

    Chaque mot peut avoir un sens différent en fonction des situations. Par exemple, “éléphant”. Un mot qui, dans un zoo, représente un animal fort et puissant et qui, devant quelqu’un, peut représenter une injure, une remarque désagréable sur sa corpulence. Le mot “aller” qui peut vouloir dire se diriger, se rendre, se trouver quelque part, qui peut demander comment se sent quelqu’un ou encore qui peut être un encouragement. Mais chaque langue à sa manière de voir les choses. Lorsque l’allemand à la particularité de regrouper plusieurs mots pour en former un seul, le français les regroupe, mais les sépare par des trait-d’union. Ainsi, pour parler de parents de parents, les français parlent de “grands-parents”, les allemands parlent de “groβeltern”, ce qui veut dire exactement la même chose, même mot à mot, mais la séparation entre les mots que l’on veut regrouper pour le français et l’union pour l’allemand. Aussi, lorsque le grec, le chinois, le japonais, l’arabe et tant d’autre ont leur propre calligraphie, l’anglais, le portugais, l’espagnol partagent la même écriture. Les mots sont le moyen le plus rapide de voyager. On peut passer d’un pays à l’autre en une seule phrase. Les sonorités peuvent nous transporter, une simple phrase peut briser les barrières du langage.

    Sherockee monta dans la voiture, entourée des agents. Elle avait son t-shirt sur les jambes, elle était souriante. Le FBI avait un avion à l’aéroport Charles-de-Gaulle, ils allaient faire le trajet jusque là-bas. Une heure et demie de voiture pour environ huit heures d’avion. Sherockee gardait le sourire. Elle avait toujours la fleur que Jonathan lui avait offerte dans les cheveux. Des mèches étaient tombées de la tresse, mais la fleur tenait le reste. Sherockee était toujours belle, son visage était toujours lumineux malgré les nuits infernales et les souffrances dues aux blessures. Elle avait le teint éblouissant, les cheveux brillants et les yeux pétillants. Rien n’aurait laissé voir ce qu’elle avait vécu, à part les blessures. Le trajet se passa sans encombre, personne ne parla. Lorsque la voiture s’approcha de l’aéroport, Sherockee serra les doigts sur le t-shirt. Elle baissa la tête.

    « Retour à la réalité… Non mais, qu’est-ce que je croyais… Que les agents allaient m’innocenter juste parce que je n’ai rien fait de mal pendant une matinée ? Mais réveilles-toi ma vieille ! Tu es considérée comme une criminelle ! Pas comme une jeune fille humaine normale ! Qu’est-ce que je suis débile ! »

    Elle releva la tête et redressa les épaules en se forçant un peu à sourire. La voiture sortit de l’autoroute et prit une route sur le côté de l’aéroport. Ils entrèrent par un accès privé en montrant leurs insignes, pour arriver directement sur le tarmac. Après s’être garés, les agents et Sherockee sortirent de la voiture. Sherockee était toujours entourée des agents, toujours surveillée de près. Elle tenait son t-shirt dans une main, le mot de l’infirmière dans l’autre. Elle avait toujours le regard brillant et un petit sourire. Ils marchaient à un bon rythme, en se dirigeants vers un avion blanc. Sherockee s’arrêta brusquement. Les agents lui demandèrent de continuer à avancer. Sherockee leur fit signe de se taire, elle regardait vers les terminaux. Des cris se firent entendre. Des coups de feu suivirent. Sherockee s’avança, les agents aussi. Une personne marchait en leur direction, une arme pointée vers eux. La personne s’arrêta, visa et appuya sur la détente. Plusieurs fois. Les agents sautèrent au sol. Les balles traversèrent les vêtements de Sherockee. Elle jeta ce qu’elle tenait dans les mains par terre, se baissa et prit le pistolet d’un agent en tremblant légèrement. Elle tira un coup, un seul, très précis, en direction des jambes. L’autre s’écroula à terre et cria. Sherockee posa le pistolet et courra voir. Des agents de la sécurité de l’aéroport arrivaient en courant du hall. Sherockee avait visé juste. La balle avait touché la cuisse, mais n’avait pas fait de dégâts. Juste assez pour immobiliser, mais sans trop blesser. Sherockee arriva à la hauteur de l’agresseur. C’était une femme, d’un certain âge. Sherockee s’agenouilla et posa sa main sur la blessure de la femme. Elle se débattait mais avait trop mal à la jambe pour la bouger. Sherockee guérit la blessure comme elle l’avait fait avec le corps de Dimitri. La blessure se referma. Sherockee se leva, secoua son t-shirt pour faire tomber les balles et repartit vers les agents. Les agents de la sécurité embarquaient la femme, mais celle-ci cria.

    – Tu as tué mon fils ! Tu l’as tué !

    C’était une américaine. Sherockee s’arrêta, serra les poings et pinça ses lèvres. Elle voulut se retourner mais continua son chemin. Les agents lui prirent les bras. Elle se débattit, se baissa et reprit son haut et le mot. Les agents l’entourèrent mais cette fois, plus près. Sherockee avait perdu son éclat en quelques secondes. Son teint était plus pâle, son sourire s’était effacé. Elle se sentait oppressée par les agents et par la phrase qu’elle venait d’entendre. Ils montèrent dans l’avion. Sherockee alla s’asseoir. Les agents lui passèrent des menottes et les relièrent à une barre sur les parois de l’appareil. L’avion décolla quelques minutes plus tard. Sherockee regardait ses mains, posées sur son t-shirt. Elle ne dit rien. Les agents ne parlèrent pas pendant une heure. Enfin, les discussions commencèrent . Ils parlèrent de problèmes digestifs, puis des médias, et des informations américaines. Sherockee écoutait, la tête toujours baissée. Elle serra les dents lorsqu’ils parlèrent de son affaire. Elle ne répondit pas à leurs questions. Elle cherchait des réponses à ses questions, pas à répondre aux leurs. Elle ne bougeait pas. Les agents finirent par reprendre leur discussion. Sherockee releva la tête.

    – Pourquoi est-ce le FBI qui a l’enquête alors que toutes les autres agences pourraient l’avoir ?

    Les agents restèrent muets. Sherockee leva un sourcil et sourit en voyant qu’elle venait de leur poser une colle. Elle secoua la tête et rigola. Elle se leva et s’étira. Ensuite, elle voulut aller faire un tour dans l’avion, mais fut retenue par les menottes. Elle soupira et alla se rasseoir. Elle regarda les agents, qui réfléchissaient toujours à sa question.

    – Bon, les gars, on s’en fout, ce n’est pas grave ! Arrêtez de réfléchir, vos cerveaux vont cramer. À la place, si vous pouviez juste me détachez trente secondes, j’ai des fourmis dans les jambes. S’il vous plaît ! Ne vous inquiétez pas, vous pouvez venir avec moi faire le tour de l’avion, même si je ne vois pas trop comment je pourrais m’enfuir, et puis je ne vois pas trop l’intérêt de vous tuer ou de tuer qui que ce soit ici ! Allez les mecs ! Soyez sympas !  

    Sherockee soupira. Les agents ne bougeaient pas. D’un geste, elle défit les menottes et se leva. Les agents se levèrent aussi, leurs armes fixées sur elle. Sherockee n’en avait rien à faire. Elle alla faire le tour de l’appareil, malgré les cris des agents. Ils étaient furieux. Lorsque Sherockee eut rapidement fait le tour de l’appareil, elle vint se rasseoir et remit se menottes. Elle appuya sa tête contre le mur et ferma les yeux. Les agents ne comprenaient vraiment plus rien. Sherockee ne dormait pas vraiment, elle écoutait ce qu’ils disaient. Elle souriait lorsqu’ils parlaient d’elle, se demandant pourquoi elle avait ce “caractère bizarre”, pourquoi elle faisait n’importe quoi et que l’instant d’après elle pouvait se montrer irréprochable, calme et respectueuse. Ils ne savaient pas grand-chose d’elle, même si son dossier contenait beaucoup d’informations sur sa vie. Sherockee finit  par rouvrir les yeux. Elle les regarda les uns après les autres. Elle rigola.

    – Si vous voyiez vos têtes ! Vous voulez que je vous explique ? D’accord, mais d’abord, je dois vous dire qu’il va falloir essayer de me croire, parce que sinon, j’utiliserais ma salive pour rien. En tant qu’humain, vous avez beaucoup de sciences, beaucoup de savoir, beaucoup de choses qui font votre complexité de caractère. J’ai appris à vous connaitre et j’ai vite remarqué que malgré votre imagination débordante et votre intelligence incroyable, vous ne savez pas vous détacher de vos conventions. Quelqu’un de normal et de “bien” pour vous, c’est quelqu’un qui fait tout comme on le lui dit. Malheureusement pour vous, je n’ai pas appris à vivre comme vous le faites ; j’ai appris à avoir mes propres règles, à ne jamais penser à la minute d’avant ou l’heure d’après. Je ne reste jamais dans ma case. Je suis comme un électron libre. En plus, je déteste que l’on commande ma vie, alors autant vous dire que tous les prétextes sont bons pour vous désobéir ! Si vous y aviez réfléchi un peu plus et un peu plus tôt, je suis sûre que vous l’auriez vu. Mais vous, les humains, vous ne pensez pas franchement que c’est possible. Et puis, vous êtes tellement obsédés par votre image, votre richesse, votre place dans la société que des tonnes de choses vous passent devant ! Sérieusement, même si je vous ouvrais de nouvelles portes, je ne suis pas sûre que vous vous y intéresseriez assez.

    Lorsque Sherockee s’arrêta de parler, un drôle de silence s’installa. Les agents n’avaient pas décrochés leur regard. Ils étaient encore fixés sur Sherockee, elle les regardait en souriant. Elle avait parlé un peu longtemps, une douleur dans la cage thoracique s’était manifestée. Elle reprenait son souffle tranquillement mais gardait le sourire. Au bout d’un moment, les agents réussirent à détacher leur regard. Ils étaient maintenant en train de cogiter sur ce qu’elle venait de dire. Elle se leva et s’étira. Les agents relevèrent la tête, elle se rassit. Elle commença à jouer avec ses menottes. Elle les défaisait, les remettait pour les enlever encore une fois. Les agents la regardaient faire, interloqués par sa facilité à les défaire. Elle le fit plusieurs minutes durant , jusqu’à ce qu’elle s’aperçoive que les agents étaient penchés au-dessus d’elle, essayant de faire le mouvement qu’elle faisait.

    – Regardez, ce n’est pas compliqué. Il faut simplement faire un mouvement sur le côté intérieur, vers le haut et on tire vers l’extérieur ! Enfin, il faut quand même avoir le coup de poignet ! Et avec cette méthode, on peut se défaire de tous les types de menottes, même les plus sophistiqués ! Mais la méthode la plus simple est quand même d’avoir les clés… Je vous remontre. On pousse, on monte et on tire ! Intérieur, haut, extérieur !

    Sherockee s’amusait à le faire. Elle le faisait de plus en plus vite, les agents regardaient toujours ébahis. Un déclic se fit entendre. Les menottes n’avaient pas résistée à leur usage intensif, elles se cassèrent en deux.

    – Oups… Je crois que j’ai un peu trop joué… Vous en avez d’autres ? Sinon je peux essayer de les réparer, mais je ne suis pas douée, je risque de les remonter à l’envers ou de travers. Imaginez si vous deviez ouvrir les menottes pour qu’elles se ferment ? Trop bizarre !

    Sherockee se baissa et ramassa les vis. Elle commença à les revisser avec ses ongles. Les agents rigolaient en la voyant utiliser ses ongles en tournevis. Elle réussit malgré tout à remonter les menottes. Un agent les prit et les regarda attentivement.

    – Pour quelqu’un qui n’est pas doué, c’est vraiment bien fait ! Vous les avez remontées dans le bon sens déjà… Et puis tout m’a l’air bien ! Attendez, j’essaye de les fermer. Tiens Harry, viens là !

    – Non, non ! Pas moi !

    L’agent attrapa l’autre par le bras, et même s’il se débattait, c’est quand même Harry qui eut le droit de passer les menottes. Sherockee rigolait. Après l’essayage, ils purent voir que tout fonctionnait, les menottes marchaient correctement, presque mieux qu’avant. Sherockee essaya d’apprendre aux agents comment faire, mais même après une heure d’exercice , ils n’y arrivaient toujours pas. Sherockee rigolait beaucoup, eux un peu moins, car ils avaient les poignets meurtris à force d’essayer. Au bout d’un moment, Sherockee se remit les menottes et leur remontra. Elle leur montra plusieurs méthodes, mais ils n’y arrivaient toujours pas.

    Finalement, elle laissa tomber et leur montra comment bloquer une arme avec un simple geste. Elle leur apprit comment immobiliser quelqu’un lorsqu’il courait trop vite pour être rattrapé, ou encore comment calmer quelqu’un avec des mots ou à quel endroit tirer pour immobiliser sans faire de blessures trop graves. Les agents avaient appris plus de choses en trois heures qu’en trois jours de formation. Sherockee leur appris l’art et la manière de chacune des choses qu’elle leur montrait. Elle ne laissait rien passer. Tout devait être parfaitement fait, rien ne devait être laissé au hasard.

    L’assurance dont elle faisait preuve, la tranquillité de ses gestes, sa facilité pour créer des liens avec les autres lui avait permis de passer un moment de confiance avec les agents. Elle savait que ça ne pouvait pas durer, mais elle aimait ces moments un peu plus calmes, pendant lesquelles elle pouvait oublier un peu le stress dû à son affaire.

     Après, elle se rassit. Des douleurs s’étaient ranimées. Sherockee se reposa durant la partie du vol. Les agents ne lui avaient pas remis les menottes. Elle s’était allongée et s’était endormie. Elle se réveilla quelques minutes avant l’atterrissage. Elle regarda par le hublot. Elle vit les côtes canadiennes au loin. Elle regarda autour d’elle. Les agents commençaient à se préparer. Ils commençaient à vérifier leur matériel.

    – Vous vous préparez à une mission militaire en Afghanistan ou quoi ?

    – Non, mais ce que vous avez vu à l’aéroport n’était rien à côté de ce qui vous attend à New York ! Les gens en veulent au FBI de faire ce qu’il faut, c’est-à-dire de cacher des choses sur l’affaire ; et puis ils vous en veulent d’avoir tué les agents.

    – Je ne les ai pas tués ! Qu’est-ce que vous êtes pénibles avec ça !

    Elle continuait à sourire. L’avion amorçait l’atterrissage. Tout le monde s’accrocha. Sherockee regarda au dehors. Le vert commençait à laisser place au gris, les buildings commençaient à s’agrandir. L’avion arriva au-dessus des pistes de l’aéroport. Les pistes se rapprochaient, se rapprochaient, jusqu’à ce que les roues touchent le sol. L’appareil alla se garer et s’immobilisa. Sherockee regardait fixement dehors . Une nuée de gens était amassée derrière deux lignes de barrières et un cordon d’agents, qui peinaient à retenir tout ce monde. Sherockee se leva et suivit les agents. Ils l’entourèrent, mais cette fois, Sherockee comprit que ce n’était pas vraiment parce qu’elle était considérée comme une criminelle. Lorsqu’elle fut sur le tarmac, elle se sentit gênée, écrasée par le mépris de tous ces gens. Elle baissa la tête et avança. Les agents avaient les mains sur leurs armes, prêts à tirer en cas d’éventualité. Une voiture les attendait un peu plus loin. Lorsqu’elle rentra dans la voiture, elle entendit plusieurs phrases qu’elle ne voulait pas entendre.  

    – Lorsqu’on tue quelqu’un, on meurt aussi !

    – Tu as tué, tu devras payer !

    Sherockee retint des larmes. Elle ne voulait pas pleurer, pas devant eux. Elle serra les poings. Le trajet se fit en silence. Devant le bureau du FBI, même malaise, même agitation. Les agents passèrent les menottes à Sherockee, qui se laissa faire sans rien dire. Ensuite, elle sortit lentement de la voiture. Il y avait trop de bruit pour comprendre une phrase en particulier. Tous les mots se mélangeaient. Les gens étaient encore plus surexcités qu’à l’aéroport. Cette fois, impossible de les contrôler tous. A l’intérieur, le contraste avec l’extérieur fut si violent que Sherockee crut d’abord que c’était le silence absolu. Mais au bout de quelques secondes, elle se rendit compte qu’il y avait toujours un bruit permanent. Sandra se pointa devant Sherockee.

    – Désolée, je n’ai pas pu venir à l’aéroport. C’est bon les gars, je l’emmène jusqu’à la salle d’interrogatoire. Dites à Muncky qu’il pourra venir l’interroger dans cinq minutes.

    – Muncky ? C’est qui ça ?

    – C’est, malheureusement pour toi, l’agent le plus doué pour envoyer les gens en prison. C’est lui qui a repris ton affaire. D’ailleurs, en parlant de ça, j’ai trouvé quelque chose qui pourra nous permettre de la ralentir et même peut-être de t’innocenter pour les meurtres. Il va falloir que je creuse encore un peu, mais je devrais y arriver, affirma Sandra en entrant dans la salle. Depuis que tu t’es enfuie, l’affaire a pris une tournure que le FBI ne voulait pas et ne prévoyais pas… Les gens se rebellent, ils veulent savoir trop de choses, trop vite et ça devient ingérable. Le FBI espère pouvoir calmer tout le monde, mais on est mal barré. Tu es bien amochée dis-donc ! Qu’est-ce qui s’est passé ?

    – Chute d’un train, roulade dans une forêt et pour finir plongeon dans une rivière en France. Du coup, je ne sais combien de fractures, de blessures multiples et tout ce qui va avec. Si tu veux en savoir plus, tu peux prendre le dossier médical. Tiens, je crois que c’est ton ami qui arrive !

    La porte s’ouvrit brusquement . Sherockee sursauta sur sa chaise, malgré le fait qu’elle ait entendu des pas dans le couloir. Elle se tourna vers l’homme qui venait de rentrer. Il était très grand, il devait faire aux alentours de deux mètres. Il était très mince. Son visage était très marqué, la fatigue et l’âge lui creusait le dessous des yeux. Ils étaient gris, légèrement bleus. Il avait le dossier de Sherockee dans les bras. Il regarda Sandra, qui comprit et sortit illico. Il referma la porte derrière elle. Il alla s’asseoir en face de Sherockee. Elle le regardait dans les yeux, mais souriait toujours. Il posa le dossier sur la table et sortit les photos des agents. Sherockee poussa un soupir et se laissa tomber dans le fond de sa chaise. Elle croisa les bras et regarda de nouveau les yeux de l’agent. Il ne faisait absolument pas attention à elle, comme si elle n’existait pas. Il regardait le dossier. Soudain, il remonta la tête .

    – Pourquoi les avez-vous tués ?

    – Comment pourrais-je savoir, puisque je ne me rappelle pas de les avoir tués ?

    – C’est moi qui pose les questions, alors contentez-vous d’y répondre ! Pourquoi les avez-vous tués ?

    – Comment pourrais-je savoir, puisque je ne me rappelle pas de les avoir tués ?

    Sherockee s’amusait beaucoup. Elle aimait vraiment énerver ceux avec qui elle parlait pour la première fois, ou ceux qu’elle n’aimait pas. Souvent, elle avait une bonne raison de le faire, ou c’était seulement pour tester ceux qu’elle avait en face d’elle. Là, elle avait quelqu’un qui s’énervait facilement. Effectivement, Muncky avait l’air moins gentil maintenant. Son visage n’inspirait déjà pas le calme et la sérénité, mais là, il était vraiment effrayant. À le voir ainsi, on aurait pu croire qu’il allait sauter pour étrangler Sherockee .

    – Il va falloir vous calmez mon vieux, parce que là, vous allez faire tellement de rides que l’on pourra vous confondre avec les Shar Pei ! Vous savez, ces petits chiens tout ridés, tellement qu’on ne voit plus leurs yeux ! Allez-vous reposez et limitez un peu le café, ça ira mieux après.

    Sherockee éclata de rire. Elle n’arrivait plus à s’arrêter. Muncky sortit en claquant la porte. Elle continua à rire et se calma quelques minutes après. Elle entendit des personnes parler, parfois crier dans le couloir. Elle se leva et fit des tours dans la salle. Elle s’arrêtait de temps en temps pour s’étirer. Soudain, la porte s’ouvrit. Muncky rentra. Il tapa ses mains sur la table.

    – Maintenant ça suffit ! Vous allez venir vous asseoir tous de suite, et vous allez répondre à mes questions !

    – C’est bon, on reste cool ! Mais, vous savez, j’ai répondu à votre question juste avant. Mais je crois que c’est le fait que je réponde à une question par une question… Oui je crois que c’est ça. Mais je vous promets que je vais faire des efforts. Allez-y, je suis prête.

    Elle s’assit, croisa ses bras devant elle et lui sourit. Elle crut qu’il allait lui exploser à la figure. Elle vit ses doigts et les muscles de ses bras se contracter et son visage devenir rouge. Malgré tout, il essaya de se contenir .

    – Pourquoi avez-vous tué ces agents ?

    – Je ne les ai pas tués. Du moins, je ne m’en rappelle pas.

    – Très bien… Autant vous prévenir, tout mensonge vous sanctionnera… Alors, où…

    – Pourquoi me dites-vous ça ? Ce n’est pas la peine de me prévenir là-dessus ! Je le sais !

    – Vous le savez ? Alors pourquoi mentez-vous ?

    – Je ne mens pas ! s’énerva-t-elle.

    – Vos yeux me disent le contraire ! Je sais lorsque quelqu’un ment, vos yeux brillent comme quelqu’un qui ment. Vous voyez, vous ne pouvez rien me cacher, alors dites-moi la vérité !

    – Mes yeux brillent ? Ah ! Grande nouvelle ! Mes yeux brillent, cria-t-elle en se levant pour aller devant la caméra, je mens ! Retenez ça, vous derrière la vitre ! Non mais, s’énerva-t-elle en se tournant vers Muncky, qu’est-ce que vous croyez ? Que vous connaissez tout de moi ? Mais réveillez-vous ! Si mes yeux brillent, c’est tout simplement parce que je suis vivante ! Je suis vivante, oui, vivante ! Alors, maintenant, croyez-moi ! Croyez-moi ! Pourquoi vous me dites ça ? Personne ne me croit, mais je vous promets que vous allez me croire ! Vous allez me croire parce que…

    Sherockee s’arrêta brusquement dans son énervement. Elle se retourna et tapa d’un coup de poing dans la vitre ce qui la brisa entièrement. Sherockee resta un moment sans bouger, le poing en sang, le bras tendu. Il y avait des gens qui étaient derrière la vitre, mais Sherockee ne les vit pas. Elle replia son bras, soudain consciente de son énervement excessif.

    – Merde…

    Elle avait pâli. Elle se laissa glisser le long du mur pour arriver par terre, sur ses genoux. Elle prit sa tête entre ses mains. Muncky se leva, un sourire aux lèvres. Sherockee releva la tête et le voyant prêt à sortir, elle se leva aussi et lui barra la route.  

    – Vous me mettez dans cet état pour ça ? Vous voulez vraiment me voir en taule, n’est-pas ? Eh bien, mettez-moi en prison tout de suite, dit-elle calmement. Je ne veux plus avoir à subir ça. Vous n’avez rien compris, vous ne vous êtes même pas demander pourquoi depuis le début, je n’ai jamais demandé d’avocat, j’ai toujours répondu aux questions et pourquoi j’ai toujours nié ces meurtres. Jamais, jamais vous n’avez réfléchi à cela. Mais moi j’y ai réfléchi, longtemps ; j’y ai réfléchi pour savoir quelle était la meilleure solution pour essayer de me sortir de ce pétrin, cette merde dans laquelle quelqu’un m’a mise pour je ne sais quelle raison !

    Sherockee avait les larmes aux yeux. Elle détourna le regard de celui de l’agent et marcha doucement, la tête basse pour aller dans le fond de la salle et s’y mettre en boule. Elle entendit la porte se refermer. Elle n’arrivait plus à retenir ses larmes plus longtemps, elle mit sa tête entre ses jambes pour cacher sa détresse. Personne ne vint la déranger. Au bout de quelques minutes, elle réussit à faire le vide. La porte s’ouvrit tout doucement. Une main se posa sur l’épaule de Sherockee. Elle releva la tête et vit Nelson. Il avait un faible sourire, un sourire qui laissait penser qu’il avait vu la scène. Il s’assit à côté d’elle, sans un mot. Elle fut surprise de le voir là, mais ne dit rien non plus.  

    – Vous voulez que l’on vous soigne ?

    – Non, c’est bon, merci. Je crois que de toute manière, j’ai tellement de blessures qu’une de plus ou de moins… Ça ne changera pas grand-chose.

    Elle regarda sa main et retira quelques morceaux de verres. Elle grimaça un peu lorsque qu’elle en retira un grand morceau, qui s’était planté très profondément. Nelson la regardait faire. Après qu’elle ait sorti la plus grande partie des morceaux de verre, elle se releva. Elle prit les morceaux et les posa sur la table. Elle alla s’asseoir à sa place, sur la chaise qui permettait de voir son visage à la caméra, sans force de faire autre chose. Elle regarda la vitre qu’elle avait cassée.  

    – Qui est-ce qui était derrière cette vitre ?

    Nelson se leva et alla s’asseoir en face de Sherockee. Il avait toujours son attelle, mais il marchait mieux. Il la regardait dans les yeux, mais elle n’avait pas le courage de soutenir son regard.

    – Il y avait deux techniciens, le père d’un des agents, un gars de l’équipe de Muncky et… Moi.

    Sherockee baissa encore plus la tête. Des larmes se formèrent dans ses yeux, devenus sombres, et perlèrent pour venir s’écraser sur la table. Nelson se releva et se plaça à côté de Sherockee. Il plaça ses bras autour d’elle et prit sa tête pour la placer contre son épaule, comme un père l’aurait fait avec son enfant.

    – Personne n’a été blessé, personne ne peut vous en vouloir. Ne vous inquiétez pas.

    Sherockee sécha ses larmes, mais elle n’arrivait pas à chasser les peines qu’elle ressentait. Elle ne voulait plus quitter Nelson, de peur de s’énerver encore une fois et de risquer de blesser quelqu’un. Ils restèrent sans bouger. Puis, au bout de longues minutes , Nelson retira ses bras, Sherockee se releva. Il se redressa et sortit. Elle regarda en face d’elle. La pièce derrière contenait des ordinateurs pour contrôler la vidéo et le son, des chaises et une table avec des cafés, laissés là. Sherockee se leva doucement et passa dans la salle. Elle récupéra les morceaux et les amassa dans un coin, sur la table. Elle nettoya toute la salle, lentement. Lorsqu’elle eut finit , elle repassa de l’autre côté. Elle fit un tour de la salle et tomba sur une feuille. Elle la regarda. C’était un résultat d’analyse d’empreintes. Une feuille tombée de son dossier. Comme Sherockee le savait, il y avait beaucoup de ses empreintes. Elle voulut jeter la feuille, mais elle vit quelque chose qui retint son attention. Elle lut la fin du document. Il était marqué qu’un autre ADN se trouvait sur l’arme, en très petite quantité. Il n’avait pas été identifié. Sherockee relu, plusieurs fois, pour être sûre de ne pas se tromper. Elle était tellement stupéfaite, si heureuse, qu’elle dut s’appuyer contre le mur. Elle embrassa la feuille avant de la reposer sur la table. Elle sauta dans la salle en faisant des tours. La porte se rouvrit une nouvelle fois. Sherockee s’arrêta brusquement et se tourna vers la porte. Il revenait à l’attaque. Muncky était là, avec le dossier sous le bras. Il prit la feuille et fit signe à Sherockee de venir avec lui. Elle était méfiante, elle se tint toujours à une certaine distance de lui, mais le suivit quand même. Ils passèrent dans une nouvelle salle, mais cette fois sans vitre à portée de main. Effectivement, tout ce qui était en verre se trouvait trop haut pour pouvoir frapper dessus. La salle était plus claire, les fenêtres donnaient sur l’extérieur. Sherockee se mit quelques secondes au rayon de lumière, avant de se retourner et de regarder Muncky. Elle était toujours de bout, derrière sa chaise. Elle fixa l’agent, la tête penchée. Elle attendait qu’il parle. Il lui désigna la chaise. Elle s’assit. Il lui sortit les photos des agents, elle secoua la tête. Il lui montra la photo de l’arme, elle secoua la tête. Il lui montra la photo de son poignard, elle soupira.

    – On va continuer comme ça longtemps ? J’en peux plus ; je suis désolée, je veux m’excuser auprès de tous ceux qui étaient derrière la vitre, mais je ne peux pas, alors en espérant qu’ils m’entendent… Désolée, sincèrement. Et puis, je voulais m’excuser auprès de vous. Je me suis mal conduite, je… Je ne supporte pas que qui que soit, décide de mon destin à ma place. Je m’énerve plus vite et je me contrôle moins. Désolée. Même si je sais que ça ne changera pas grand-chose à mon cas, je voulais vous dire que j’étais sincèrement désolée. Je ne sais pas si un jour on me pardonnera, mais peu importe.  

    Elle baissa la tête. Elle se sentait mieux après avoir dit ces phrases. Muncky ne savait pas quoi dire. Alors, il ne dit rien. Il voulait continuer l’interrogatoire, mais n’arrivait pas à trouver ses mots. Sherockee avait déstabilisé cet homme qui semblait pourtant si sûr de lui. Il sortit de la salle. Il se dirigea dans les couloirs et alla voir le secrétaire du directeur.

    Sherockee était restée la tête basse jusqu’à ce que les pas dans le couloir ne s’entendent plus. Elle sourit. Elle se leva et s’assit en tailleur sous la fenêtre, dans le rayon de soleil que laissait passer la vitre. Elle remonta la tête. Elle ouvrit légèrement les yeux et regarda le ciel. Il faisait beau, le soleil de novembre était encore brillant. Un ciel sans nuage, homogène de part en part. Rien ne venait troubler la tranquillité de la salle. Sherockee respira calmement. Elle aimait le calme, malgré le fait qu’elle ne le trouve pas forcément là où elle le voulait. Elle ne savait pas si elle allait devoir rester là longtemps, mais elle voulait bien rester là, même pour la nuit. Il se passa un très long moment avant que la porte ne se rouvre. Elle se tourna et vit un homme qu’elle ne connaissait pas rentrer. Elle se leva et alla s’asseoir. Elle souriait. L’homme avait le visage lumineux. Il avait de grands yeux noisette et des cheveux bruns, très sombres. Il alla s’asseoir en face de Sherockee.

    – Excusez-moi, mais je ne vous ai jamais vu. Vous êtes ?

    – Je suis le directeur adjoint du FBI, et pour l’instant, je remplace le directeur.

    – D’accord, je comprends mieux ! D’ailleurs, il va mieux, ou pour mon plus grand soulagement je n’aurai plus à le revoir ? Enfin, je veux dire… Il est vivant ou mort ?

    – Vous vous excusez auprès de tout le monde, sauf après de lui j’ai l’impression. Sa vie n’est plus en danger, mais il doit rester encore un peu à l’hôpital. Il devrait sortir en milieu de semaine prochaine.

    Sherockee poussa un soupir et fit la plus mauvaise tête du jour. Elle murmura quelque chose d’incompréhensible en secouant la tête avant de remonter les yeux vers l’homme en face d’elle. Elle lui sourit.

    – Qu’est-ce que vous faites là ? Je ne pense pas que vous soyez là pour prendre le thé avec moi, même si ça me ferait très plaisir. Qu’est-ce qui vous amène ?

    – Je suis là pour vous parler de votre comportement.

    – Qu’est-ce que j’ai fait ? s’inquiéta-t-elle.

    – Cette fois, rien de mal, rassurez-vous. Seulement, avec ce que vous avez dit tout à l’heure, l’agent Muncky ne veut plus de l’affaire. Il m’a dit qu’il ne pouvait pas interroger quelqu’un comme vous. Il m’a assuré qu’il n’avait jamais vu quelqu’un qui  réagissait comme vous, quelqu’un qui en trente secondes passe d’une femme complètement folle à quelqu’un qui aspire autant à la confiance. Il ne veut plus continuer l’affaire… Vous donnez vraiment du fil à retorde au FBI ! Il va falloir que je trouve quelqu’un d’autre pour prendre la place de l’agent Muncky maintenant ! Et les agents pour cette affaire sont… Peu. Mais je venais aussi pour vous poser moi-même quelques questions. La première concerne votre couteau.

    – Oui, mon poignard… Je l’avais oubliée celui-là ! Que je vous explique : c’est la seule arme capable de me tuer. Vous pourrez demander à quelque agents qui ont croisés mon chemin, les couteaux me font des blessures, mais ne peuvent pas me tuer et les balles ne me font rien – à part me chatouiller. Je l’avais sur moi lorsque je suis tombée du train en France, d’ailleurs je suis tombé à cause de celui avec qui je me suis battue. Je n’ai pas utilisé cette arme, d’aussi loin que je me souvienne. Elle ne me sert qu’à intimider, et même ça je ne le fait pas souvent. Je ne sais pas d’où elle vient, je ne sais pas pourquoi c’est la seule arme à pouvoir me tuer et… Je ne me souviens plus quand et où je l’ai eue. Je veux bien que vous la gardiez, mais si vous pouviez faire extrêmement attention à elle, ce serait vraiment sympa. J’ai couru après pendant un an, et je vous avoue que je n’ai pas envie de recommencer.

    – D’accord, dit-il en mettant un point sur son bloc note. Deuxième question : si vous n’avez pas tué ces agents, comment expliquez-vous qu’il y ait autant de vos empreintes sur l’arme qui a servi à les tuer ?

    Sherockee réfléchit. Elle n’avait pas encore réfléchi à cette question, du moins pas beaucoup. Elle resta muette pendant quelques secondes.

    – Pas facile comme question… Je pense que… Il va falloir que je vous explique quelques petites choses. La magie remplit ce monde comme l’eau remplit la mer de vos océans. Mais peu d’humains savent voir cette magie et, malheureusement, ils sont souvent considérés comme des fous, ou alors, s’ils ont de la chance, comme des artistes. Tenez, regardez les derniers livres de Maupassant. Dans Le Horla par exemple, il y décrit un être invisible qui prend possession de l’esprit et du corps du narrateur. Ou encore dans Matilda de Roal Dahl, la petite fille a des pouvoirs qu’elle apprend à maitriser. Ou bien J.K. Rowling qui décrit un monde de sorciers vraiment incroyable… Tous ces auteurs voient – ou voyais en fonction des cas – plus ou moins la magie, parce que leurs yeux voient un monde à eux, un monde qu’ils visitent et qu’ils découvrent. Les dessinateurs aussi voient ce monde lorsqu’ils se lancent dans des peintures fantastiques. Les chorégraphes, lorsqu’ils arrivent à transmettre en quelques mouvements une histoire. D’autres personnes aussi le voient, mais eux le cachent, eux ne le disent pas.

    – Je veux bien, mais quel rapport avec ma question ?

    – J’y viens. Ce n’est pas parce que l’on ne croit pas que ça n’existe pas. L’œil humain est fait pour voir certaines choses, mais en cacher d’autres. Il faut que l’humain ai des doutes, ai des rêves. C’est ce qui fait sa force. Bien sûr, il y a une partie de vrai et une partie de fausse. Mais là, je pense que la magie a pu intervenir.

    – Comment ça ? Vous pensez que… Imaginons, mais qu’est-ce qui me dit que vous n’essayez pas tout simplement de trouver une excuse ?

    – Rien ne vous empêche de ne pas me croire, mais je vous jure que si je le pouvais, je ferais un retour en arrière pour savoir ce qui s’est passé et qui l’a fait ; même si c’était moi. Si tel était le cas, j’avouerai le crime ; je serais prête à passer des jours, des mois, des années en prison ; et surtout, je ferai tout pour que les familles des victimes me pardonne, même un tout petit peu. Mais ce serait trop beau... Je ne peux malheureusement pas.

    – Pourquoi ? Vous avez dit que la magie existe, alors pourquoi ne pouvez-vous pas le faire ?

    – Tout simplement parce que la magie ne fonctionne pas comme on le veut. Il y a des règles, et personne ne doit les enfreindre. Et le retour en arrière fait partie des règles. Il ne faut pas, on ne doit pas changer le cours du temps. Cela peut créer beaucoup trop d’imprévu, beaucoup trop de problèmes. Je ne l’ai fait qu’une seule fois. Je le regrette toujours, pourtant cela fait bien longtemps que j’ai commis cette erreur.

    Le silence reprit sa place. Sherockee se leva et se mit sous le rayon de soleil. Elle s’assit de façon à voir le directeur adjoint. Le soleil lui chauffait le dos et lui redonnait de la force. Comme une machine solaire.

    – Vous avez d’autres questions ?

    – Euh… Oui ! Vous souvenez-vous de ce que vous faisiez dans la soirée du vingt septembre dernier ?

    Sherockee se gratta la tête, signe qu’elle réfléchissait. Elle cherchait dans sa mémoire, mais elle avait du mal  


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :