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    « La Terre tourne autour du soleil, le soleil tourne dans la galaxie, la galaxie tourne sur elle-même dans l’Univers, l’Univers tourne dans ma main, ma main tourne grâce à moi… Mais moi, grâce à quoi, après quoi puis-je tourner ? Peut-être que si je savais d’où je viens… Mais d’où est-ce que je viens ? Je viens d’une mère ? Je viens de nulle part ? Ce n’est pas possible, tout viens forcément de quelque chose, non ? »

    – Sherockee, ne t’inquiètes pas ; je te montrerai que nous pourrons être unis, malgré nos différences et nos chemins différents. Et s’il le faut, je le ferai de force, envers et contre tout. Peu importe le temps que ça prendra. Tu verras, tu ne pourras pas lutter, tu viendras avec moi. Tes créations seront mes royaumes et tout sera mon empire. Tu ne pourras pas m’en empêcher. C’est toi qui m’as créé, tu ne me croiras jamais, mais oui, tu m’as créé. Tu ne contrôles pas cette partie que tu appelles le noir. D’ailleurs, pourquoi le noir ? Peut-être à cause de tes cheveux, ou simplement à cause de toi ? Qu’est-ce que tu crois ? Que tu es parfaite ? Ce que tu peux être naïve… Tu n’es pas parfaite, aucune perle n’est parfaite. Il y a toujours une brèche ou une impureté sur les perles, même minuscule. Tu n’es rien sans cette autre partie, indomptable partie, tu ne serais qu’une simple petite déesse sans avenir… Et tes petites marionnettes que tu appelles vivants ? Eux non plus n’auraient rien à faire si l’autre partie n’existait pas. Juste des aller-retour pour vivre, plus besoin de survivre. Riens à faire, juste à manger et à boire. Alors, tu te rends compte maintenant comme je te sers ? Je mets de la vie là où toi tu fais vivre. On se complète, tu vois. Mais si tu ne peux pas nous contrôler, c’est tout simplement parce que tu es trop faible pour ça. Nous te dominons, nous te contrôlons. Tu ne t’en rends pas compte ? Tu es vraiment trop naïve ! Comment peux-tu ne pas le voir ? Tu es simplement une âme de plus dont nous nous servons. Sauf que toi, tu es plus puissante comme âme. Tu as une âme forte, plus dominante, plus sombre. C’est pour cela que nous ne pouvons pas te contrôler tout le temps. Alors, tu ne pensais pas ? Tu peux toujours te cacher derrière ton beau visage, mais tu as au fond de toi l’envie de tuer. Tu tues et tu assassines. Tu as déjà tué. Oui, je ne mens pas et même si tu ne veux pas le voir, tu as toujours tué.

     

    Sherockee cria et se réveilla brusquement. Elle était transpirante. Une infirmière entra dans la chambre. Elle demanda si tout allait bien, ou si elle avait besoin de quelque chose. Sherockee secoua la tête.

    – Tout va bien, c’est bon. Merci.

    L’infirmière ferma la porte. Sherockee se leva et ouvrit la fenêtre. Elle sortit un peu la tête. L’air était très frais, il gelait dehors. Il faisait nuit . Elle respira longuement l’air extérieur. Ensuite, elle referma la fenêtre et sortit de la chambre. L’agent qui surveillait la porte somnolait dans le couloir. Sherockee le réveilla doucement.

    – J’ai besoin de sortir, mais je sais que si je sors toute seule le FBI va être en alerte. Venez avec moi s’il vous plaît, j’ai vraiment besoin de sortir.

    L’agent se releva, se frotta les yeux et sortit son téléphone. Il passa plusieurs coups de fils. Ensuite, il alla parler avec l’agent du bout du couloir et revint vers Sherockee.

    – C’est bon, mais je vous préviens, une seule tentative de fuite et vous…

    – Je sais.

    Sherockee partit devant, les agents la suivirent. Elle alla voir une infirmière et la prévint de sa sortie. Ensuite , elle descendit les étages et arriva dans le hall. Elle se retourna et attendit les agents. Lorsqu’ils arrivèrent, elle sortit en sautillant, heureuse de retrouver l’extérieur. Elle était toujours pieds nus, mais cela ne semblait pas la gêner. Elle marcha tranquillement, en profitant de chaque seconde. Elle marcha dans les petites rues, suivit de près par les agents. Elle se baladait en regardant partout. Rien n’échappa à son regard. Elle s’approchait parfois de fenêtre, s’arrêtait pour regarder et finissait par continuer son chemin. Les agents finirent par se détendre. Ils la suivaient toujours, mais plus distraitement, moins soucieux. Ils la laissèrent gambader dans les rues. Elle était comme une folle. Elle avait accéléré le pas, mais toujours en attendant les agents à un moment, lorsqu’ils ne suivaient plus. Ils traversèrent un grand parc puis arrivèrent sur une grande avenue. Sherockee voulait continuer à marcher jusqu’aux quais. Elle continua à se diriger dans les rues. Ils arrivèrent près des bords de la Somme , l’air se rafraîchit. Sherockee couru jusqu’au pont et s’arrêta lorsqu’elle fut dessus. Elle adorait l’eau, de toutes les sortes. Elle se posa sur la barrière et ferma les yeux en se laissant bercer par le vent frais. Son cauchemar lui revint à l’esprit.

    « Cette voix… C’était celle de Danam. C’est sûr. Mais pourquoi disait-il que j’ai toujours tué ? Je ne peux pas tuer, c’est impossible… Je ne peux pas avoir le sang de quelqu’un sur les mains, pas sur mes mains… Et puis, de quoi veux-t-il parler lorsque qu’il disait qu’il va tout faire pour nous réunir ? Mais pourquoi ai-je fait un rêve aussi étrange ? Je ne suis plus sûre de rien… Il faut que je me reprenne… Calmes-toi !»

    – Sherockee ?

    Elle sursauta. Elle se retourna et vit Jonathan, tout souriant. Elle lui sauta au cou et l’embrassa.

    – Mais qu’est-ce que tu fais ici ? Les agents t’ont laissé me voir ?

    – Non, je ne leur ai pas demandé, ce sont les deux mecs avachis là-bas, c’est ça ? Mais pas besoin de leur autorisation ! Tiens, c’est pour toi.

    Il sortit sa main de derrière son dos et arbora une magnifique fleur aux couleurs étincelantes, belle comme une orchidée, délicate comme une rose et complexe comme les fleurs de lys. Sherockee était émerveillée.

    – Mais… Où est-ce que tu l’as trouvée ? Elle… Elle ne pousse pas sur Terre cette fleur… Où es-tu allé la chercher ?

    – Je sais que c’est ta fleur préférée, et comme par chance, j’avais gardé un pétale de celle que l’on avait ramené la dernière fois… Et puis, tu sais, je suis triste depuis cette affaire, alors toute raison est bonne pour venir te voir ! Tiens, ce ne sont pas les agents qui arrivent là ? Ils ne se pressent pas dis-donc ! J’ai le temps !

    Il prit une mèche de cheveux de Sherockee et la tressa. Ensuite, il enroula la fleur sur la tresse. La tige se torsada toute seule, jusqu’à s’accrocher complètement sur la tresse. La fleur s’ouvrit encore plus. Les cheveux de Sherockee s’illuminèrent. Sherockee sourit. Les agents arrivèrent.

    – Qui êtes-vous ?

    – Je…

    – C’est Jonathan, mon amoureux. Il n’est pas dealer, il n’est pas un meurtrier et il n’a jamais fait de mal à une mouche ! Alors, on ne s’inquiète pas, il ne mord pas et il n’a pas d’arme sur lui, enfin, je ne crois pas…

    Sherockee rit. Les agents rangèrent leurs insignes et fouillèrent Jonathan. Il lançait un regard noir à Sherockee, qui continuait à rire. Lorsque  les agents eurent vérifié qu’il n’avait pas d’armes, ou d’autre chose de suspect, ils se calmèrent, s’apaisèrent. Ils retournèrent discuter. Sherockee se remit sur la barrière. Elle regarda l’eau, fixement encore une fois. Jonathan la connaissait par cœur et savait qu’il y avait quelque chose qui la contrariait. Il se rapprocha d’elle.

    – Qu’est-ce qu’il y a ?

    – Rien… Rien du tout.

    – Si, il y a quelque chose, je le vois bien. Dis-le-moi.

    Sherockee sourit. Le fait de savoir que Jonathan percevait chaque sentiment en elle la rassurait. La rassurait, oui. Elle avait besoin de ce contact qui la reliait à lui. Elle se sentait mieux lorsqu’elle ne lui cachait rien. Elle releva la tête et se colla contre Jonathan.

    – J’ai fait un rêve, enfin un cauchemar… L’image de Danam me hante… Je n’arrive pas à me calmer, je ressens une angoisse permanente, sans raison.  

    – C’est normal, tu as vécu des choses traumatisantes. Tu as déjà la force de rire et de sourire. Ne t’inquiète pas.

    – Oui, mais… Ce rêve, enfin cauchemar, il… C’était vraiment… Je me pose plein de questions maintenant, et… Je n’arrive pas à me dire que ça n’était qu’un cauchemar de plus qui a troublé une nuit de plus, je me pose trop de questions… J’ai l’impression que quelque chose me relie à Danam, que je ne suis pas ce que tout le monde croit. Je ne sais plus ce que je suis, je ne suis plus à ma place. Je ne sais plus rien sur moi, je doute de tout.

    Jonathan serra doucement Sherockee dans ses bras. Il lui caressa les cheveux, avec la tendresse formidable dont il avait le secret.

    – Ne t’inquiète pas, tu as peut-être des doutes, mais je sais que tu es une magnifique personne. Les autres pourront juger ce qu’ils veulent, rien ne te changera ; tu seras toujours la femme merveilleuse que j’aime, avec un grand cœur, une âme généreuse et délicate. Peu importe le reste. 

     Le silence s’installa. Sherockee était toujours blottie dans les bras de Jonathan. Elle écoutait les battements de cœur de son homme. Lui ne disait rien. Il ne voulait plus parler et ne voulait pas gâcher ce moment de complicité. Au bout de quelques minutes, Sherockee se dégagea doucement de l’étreinte de Jonathan. Elle se tourna vers les agents. Ils s’étaient endormis sur le trottoir, adossés contre le mur d’une maison.

    – Il va falloir que je retourne à l’hôpital. Le FBI a prévu que l’on parte le plus tôt possible, au maximum dans trois heures. Il faut que je reprenne mes affaires, enfin, ce que je peux récupérer…

    – Qu’est-ce qu’il s’est passé encore ?

    – J’avais le poignard sur moi, du coup, ils me l’ont confisqué. Avec un peu de chance, ni Codven, ni Danam ni personne d’autre n’essayera ou n’arrivera à le prendre… J’ai essayé de leur dire que je n’en servirai pas, mais ils ne m’ont pas cru, comme d’habitude.

    Jonathan rigola. Sherockee faisait la tête. Elle alla voir les agents et leur tapota les épaules. Ils se réveillèrent tous les deux brusquement et sortirent tous les deux leurs armes. Sherockee poussa un cri et tomba sur les fesses. Les agents avaient eu une peur bleue, elle aussi.

    – Je vous savais vigilants, rapide et tout le reste, mais cardiaque à ce point !

    Elle se releva. Jonathan rigolait. Elle aida les agents à se relever et commença à partir. Les agents la suivirent. Dans la rue, elle se retourna et fit de grands signes à Jonathan. Elle lui souffla un baiser et articula cette phrase que tant de couples et de personnes se disent, sans pourtant chercher à comprendre ce qu’elle veut dire ; sans chercher à la dire dans les bonnes circonstances. Sherockee fit demi-tour et continua à avancer sur l’avenue. Les agents se frottaient les yeux. Ils avaient dormi profondément et le réveil avait été un peu brutal. Sherockee avançait rapidement. Le trafic commençait à se charger. Les travailleurs du matin se dirigeaient déjà vers leur journée et les travailleurs de la nuit rentraient. Sherockee s’amusait toujours autant dans les rues. Les agents ne parlèrent pas, ils avaient déjà beaucoup parlé et avaient vidé leur stock d’informations. Ils arrivèrent à l’hôpital à peine vingt minutes plus tard. Ils montèrent les étages par les escaliers, Sherockee avait encore envie de bouger. Elle arriva dans sa chambre. Son t-shirt était plié sur le lit avec un mot posé sur le dessus.

    « Bon courage avec le FBI ! Vous pouvez garder le pull, personne n’en veut… J’espère que votre affaire se finira mieux qu’elle a commencé ! D’ailleurs, il y a eu un appel pour vous ce matin. Comme vous n’étiez pas là, j’ai pris le message. C’était une certaine Sandra – vous la connaissez ? , elle m’a dit qu’elle avait trouvé quelque chose pour vous améliorer votre cas. Elle m’a aussi dit qu’un certain Nelson – vous le connaissez lui aussi ? – n’avait plus l’affaire et qu’elle avait été confiée à quelqu’un d’autre… Un certain… Je ne me souviens plus du nom ! Tant pis… Enfin, elle m’a dit qu’elle vous attendrait à l’aéroport. Bien, je crois que c’était tout. Bon voyage, bon courage et bonne chance ! »


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