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    Dublin, début novembre

    – Merci encore de ce que vous avez fait.

    – Ce n’est rien, vous m’avez sauvé la vie dans l’avion ainsi qu’à beaucoup de personnes, je vous emmène à l’hôpital… Je vous dois bien plus ! Où est-ce que vous allez ?

    – Je ne sais pas… On m’a dit que je trouverais, mais je ne sais pas ce que je dois chercher ! Et vous, qu’est-ce que vous allez faire ?

    – Je vais visiter Dublin, rendre visite à mes amis, peut-être aller voir des musées, profiter d’être ici pour boire un peu, enfin pour goûter la gastronomie, et… C’est déjà pas mal ! Et puis, dans une semaine, je pars en Biélorussie… Je vais voir mes parents et enfin, je rentre chez moi, à Saint-Pétersbourg. Voilà mon planning !

    Sherockee et Sasha marchaient dans Dublin depuis un peu plus de vingt minutes . Sherockee s’était faite soigner en peu de temps. Elle avait un bandage, mais la douleur s’était atténuée. Elle raccompagnait Sasha jusqu’à son hôtel.

    – Je peux vous poser une question sur votre affaire ?

    – Oui, allez-y.

    – Vous êtes vraiment innocente ?

    Sherockee s’arrêta de marcher. Elle réfléchit avant de répondre.

    – Je pense que oui, sur le point où je ne me rappelle pas avoir tué tous les agents qui sont morts, soit disant à cause de moi. En revanche, c’est bien moi qui me suis enfuie et c’est bien moi qui ai failli tuer le directeur du FBI. Donc, je suis quand même coupable ! Mais ne vous inquiétez pas, tant que vous ne m’énervez pas, je ne pense pas avoir besoin d’essayer de vous tuer.

    Elles rirent et continuèrent à parler encore un petit moment, bien qu’elles soient arrivées au pied de l’hôtel.

    – Bon… Il va falloir que l’on se quitte... Bon séjour, et merci encore.

    – Au revoir Sherockee.

    Sasha rentra dans l’hôtel, Sherockee resta seule sur le trottoir. Elle prit son sac et marcha dans les rues. Elle arriva sur les quais. Elle marchait tranquillement, en regardant tout autour d’elle. Un vent léger soufflait dans les feuilles des arbres, ce qui produisait un léger bruissement. La rivière scintillait doucement sous les lumières de la Lune. La voûte céleste était magnifique. Quelques nuages coiffaient le ciel d’un peu de douceur ; les étoiles éclairaient le noir. Tout ce que Sherockee aimait dans la nuit. Elle marcha encore une bonne partie de la nuit. Elle fit presque toutes les rues de Dublin, même les plus éloignées du centre-ville. Elle avait un peu accélérer le pas. Au petit matin , elle revint dans le centre. Elle reprit les quais, tranquillement. Au bout d’un moment, elle remarqua qu’une voiture la suivait. Elle ne se retourna pas, mais accéléra le pas. Elle tourna dans plusieurs rues, mais rien à faire, la voiture continua à la suivre. Elle prit un sens interdit, la voiture s’arrêta. Sherockee entendit une portière s’ouvrir. Elle continua à marcher. Lorsqu’elle fut au coin de la rue, elle s’arrêta, alla poser son sac et se cacha. Elle écouta les pas, ils se rapprochaient. Lorsque celui qui la suivait passa le coin, elle sauta et le plaqua au sol. L’autre cria, Sherockee n’avait pas contrôlé sa force et avait vraiment mis beaucoup de puissance dans son geste. L’autre lâcha une pelleté d’insultes et se débattit, trop pour Sherockee qui avait oublié qu’elle était blessée à l’épaule. Elle lâcha sa prise et s’assit à côté. Elle se tint l’épaule en essayant de rester calme. Elle avait horriblement mal. L’autre se releva et épousseta son costard.

    – On m’avait prévenue de votre comportement quelque peu primitif et impulsif, mais je ne pensais pas autant. Vous vous êtes fait mal ?

    – Non, j’ai juste l’impression que l’on m’a découpé chaque muscle de l’épaule avant de me les arracher un à un, mais à part ça tout va bien !

    Elle était énervée. Elle se releva doucement et s’appuya contre le mur.

    – En même temps, si vous me sautez dessus… Je me défends, c’est normal ! Vous sautez tout le temps sur tout ce qui vous suit ?

    – Dois-je vous rappeler que je suis recherchée par toutes les agences américaines et une bonne partie des autres du monde entier ? D’ailleurs, à qui ai-je l’honneur ? Un agent de la CIA ? Du NCIS ? Non, non, de la NSA !

    – Rien de tout cela. Je m’appelle William, je suis seulement celui qui doit vous emmener jusqu’à votre prochain relais. À cause de vous, tout un réseau s’est formé et je pense que si l’on se fait attraper, ils n’auront pas de mal à vous retrouver ! Si vous le voulez bien, nous allons aller jusqu’à l’aéroport de Knock, plus au nord. Il y avait l’aéroport de Dublin, mais ils vous ont déjà vu passer dans un sens, alors s’ils vous voient dans l’autre… Deux heures et demie de route, mais la garantie que les agents de la douane et de la sécurité ne vous attendent pas de pied ferme !

    – Ce n’est pas la peine, ils ne pourraient pas me reconnaître… Sauf si vous voulez passer deux heures et demie avec moi, mais je vous préviens, je suis comme ce qu’ils disent dans les journaux !

    – Les billets sont déjà réservés !

    Sherockee ramassa son sac, en lançant un regard noir à l’homme. Il soupira. Elle se dirigeait déjà vers la voiture. William suivit. Il ouvrit la portière et prit place derrière le volant. Sherockee monta et lança son sac à l’arrière. Lorsque le sac atterrit sur la banquette, elle entendit un bruit métallique. Elle se retourna et vit des armes à feux, pour la plupart en état de servir, amassées sur la banquette.

    – Elles sont déclarées toutes celles-là ?

    – En partie…

    Sherockee regarda William avec un œil interrogateur. Il démarra et prit la route. Sherockee leva les yeux au ciel et passa derrière. Elle examina les armes les unes après les autres, très attentivement. Ensuite, lorsqu’elle eut fait le tour, elle repassa devant. Elle regarda la route un petit moment avant d’ouvrir la boite à gants. Elle fouilla partout, en sortant parfois quelques objets pour les regarder. William soupira.

    – Vous fouillez tout le temps partout ? On dirait un agent en mission !

    – Je vous l’ai dit, je suis comme ils me décrivent dans les journaux ! Et puis, il faudra vous y faire, je n’ai rien pris pour la route et l’avion, et comme vous voulez absolument aller à Knock, ça n’est que le début… Tant pis pour vous !

    Sherockee continua à fouiller, cette fois en ouvrant toutes les pochettes qu’elle trouvait. William commença par s’énerver, elle riait et continuait. Il finit par se garer et par arrêter la voiture.

    – Ecoutez, il est à peine huit heures , on a deux heures de route à faire et vous trouvez le moyen de m’énerver ! Mais comment est-ce que l’on peut être aussi…

    – Ne continuez pas, vous allez être vulgaire ! Je connais la suite, alors si vous pouviez m’éviter de l’entendre une nouvelle fois, ce serait gentil ! Sinon, juste pour éviter que l’on se crêpe une nouvelle fois le chignon, je pourrais prendre le volant, ça m’occuperait !

    William sortit en claquant la portière, Sherockee sortit calmement, en rigolant. Ils échangèrent leurs places, Sherockee était contente. William rangea tout ce qu’elle avait sorti et s’installa. Sherockee démarra et reprit la route. L’homme se détendit au fur et à mesure. Ils ne parlèrent pas pendant une demi-heure. Sherockee chantait à tue-tête ; William regardait le paysage. Lorsqu’ils furent sortis de la ville , la verdure reprit la possession du paysage. Le vert lumineux était de nouveau la couleur dominante.

    – L’Irlande mérite vraiment son surnom d’île d’émeraude… Ça me change de New York et de Washington ! Qu’est-ce que c’est beau… Vous, vous êtes irlandais ?

    – Oui, en partie, mais je suis plus anglais qu’irlandais malgré tout. Mais vous, dites-moi, on entend parler de vous sous toutes les coutures, mais jamais de vos origines… Alors, je me demandais…

    – Ne me posez même pas la question, ça n’est pas la peine, je ne pourrais pas vous répondre. Je n’ai pas de véritables origines, et les seuls qui ont le droit de connaître d’où je viens sont très peu. Il n’y en a qu’un seul pour l’instant, et il est introuvable pour un humain. Désolée, mais vous n’en saurez pas plus !

    William était troublé. Il se demandait beaucoup de chose maintenant. Mais il ne demanda rien d’autre, Sherockee reprenait ses chants. Elle conduisait souvent en chantant – elle faisait d’ailleurs beaucoup de chose en chantant. Elle était souvent de bonne humeur grâce à cela. William était plutôt du genre silencieux. Il était un peu réservé, mais était une belle personne. Il fallait gratter la carapace qui recouvrait le reste ; comme si un caramel était entouré d’une boite. Il faut ouvrir la boite pour avoir le caramel. Pour William, c’était exactement pareil. Il était adorable lorsque celui qui était en face de lui avait lancé la discussion, où comme Sherockee, avait montré un côté plutôt franc et direct. Sherockee n’avait pas peur de le montrer, ce qui rassurait un peu William.

    – Où est-ce que je vais aller avec l’avion ?

    – Vous allez en Angleterre voyons ! Je croyais que vous le saviez ! Vous devez remercier la reine quand même !

    – Vous l’aimez bien la reine ?

    – J’habite en Irlande, mon père était un irlandais pur et dur et m’a tout appris, alors je vous laisse deviner.

    – Vous savez, j’ai un ami irlandais qui est un très bon ami de la reine, un peu grâce à moi, et il l’aime beaucoup ! D’ailleurs, je l’ai vu juste avant vous. C’est lui qui m’a emmené jusqu’à l’aéroport de Washington. Quand je pense que c’est la deuxième fois que je prends l’avion en deux jours… J’ai beaucoup voyagé depuis le début de l’affaire ! Au moins un point positif… Enfin bon, je ne vais pas me plaindre, je suis encore en vie !

    – Pourquoi dites-vous ça ? Il n’y a pas de raison que vous mouriez !

    – Si, malheureusement. En plus des agents, il y a d’autres personnes qui me recherchent. Mais eux sont plus coriaces et plus cruels… Mais je tiens toujours sur mes jambes et je ne suis pas prête à abandonner ma vie de sitôt !

    William regardait Sherockee avec des yeux ronds et la bouche entrouverte. Sherockee regarda William et lui remonta le menton. Elle avait les yeux qui brillaient, elle était heureuse. Elle tourna le regard vers la route et continua à chanter. Elle commença à taper sur le volant en rythme. William n’avait toujours pas décroché le regard de Sherockee. Il écouta la douce voix de Sherockee un moment et tourna la tête vers la route.  

    – Les humains ne comprennent rien… C’est trop drôle !

    – Je ne vois vraiment pas ce qu’il y a de drôle là-dedans ! Et puis, pourquoi parlez-vous d’humain ? Vous êtes humaine, non ? Sinon vous êtes la preuve que les extra-terrestres existent…

    Sherockee rigolait beaucoup. Elle n’arrivait plus à s’arrêter. William ne comprenait pas pourquoi elle riait. Il la trouvait ridicule et lui dit, mais elle continuait à rire. Elle réussit à se calmer au bout de cinq bonnes minutes . Ensuite, elle recommença à chanter. William se laissa bercer par la voix de Sherockee et les balancements de la voiture et finit par s’endormir. La jeune femme continua à conduire en chantant. Elle fit une pause dans une boulangerie à Longford, puis fit tout le reste du trajet en une traite. William dormit tout ce temps. Lorsqu’elle fut à l’aéroport,  elle le secoua un peu. Il se réveilla en sursaut. Elle lui montra le sachet de viennoiserie qu’elle avait pris à la boulangerie. Il sourit.

    – Merci de m’avoir prêté votre voiture jusqu’ici. Vous ne m’avez pas été d’une grande utilité, mais votre présence m’a été agréable ! Les gâteaux sont pour vous. Par contre, il va falloir que vous pensiez à faire le plein. Et à déclarer ces petites merveilles, dit-elle en montrant la banquette arrière. Sinon vous aurez des problèmes ! Allez, merci encore. Au revoir !

    Sherockee prit son sac, son billet et sortit de la voiture avant même que William n’ai le temps de prononcer quoi que ce soit. Sherockee marchait tranquillement vers l’aéroport lorsque William la rappela. 

    – Bon voyage et passez quand même un petit bonjour à la reine de ma part ! Bon courage !

    Sherockee lui fit un signe du bras et partit. William la regarda rentrer dans l’aéroport et passa un coup de fil. Ensuite, il partit de l’aéroport. Sherockee passa les contrôles , toujours avec son nouveau visage et monta dans l’avion. Elle était assise à côté d’un homme qui pianotait sur son ordinateur. Elle regarda l’écran et vit des tonnes et des tonnes de lignes et plein de paragraphe sur “l’influence du moral des population sur l’économie mondiale”. Un véritable devoir d’économie, ou de philosophie… À côté d’elle, il y avait le hublot, une nouvelle fois. À côté de l’homme, une place libre tendait les bras à qui le voulait. Sherockee s’enfonça dans son fauteuil. Après le décollage , Sherockee s’étira et se positionna confortablement. Il y avait un peu moins d’une heure et demie de vol, assez pour faire un petit somme. Elle regarda autour d’elle. Un homme se leva et s’avança jusqu’à la rangée de Sherockee. Il demanda à l’homme assis à côté de Sherockee de se pousser et il s’installa à sa place. Il sortit un insigne du FBI de sa poche. 

    – Maintenant ça suffit. Arrêtes de te cacher, je t’ai retrouvé. N’est-ce pas Sherockee ?

    – A quoi bon continuer à garder cette tête, puisque de toute façon vous êtes là. Vous vous cachez très bien parmi les passagers ! Vous êtes très forts ! Où sont les autres ?

    – Comment savez-vous que l’on est plusieurs ?

    – Vous savez, je côtoie les services de renseignements depuis tellement longtemps que je sais qu’un agent seul est un agent mort. Alors, à moins que vous ne soyez suicidaire, il y a forcément d’autres agents quelque part.

    Sherockee changea de tête et détacha sa ceinture et se leva en s’étirant. L’agent sortit son arme et la pointa sur Sherockee .

    – Vous pouvez la ranger, rit-elle en se rasseyant, je n’ai pas prévu de bouger. Juste : avant de me renvoyer aux Etats-Unis, est-ce que je pourrais aller remercier quelqu’un, s’il vous plaît ? Vous pourrez venir avec moi, il n’y en aura pas pour longtemps, mais si je pouvais au moins la remercier de m’avoir aidé, ce serait génial ! Promis je ne m’enfuirais pas.

    – Si vous voulez, mais on vous y conduira nous-même. De toute manière, si vous vous enfuyez, vous empirerez votre cas, déjà qu’il vous faudra un très bon avocat pour vous sortir de là… Par contre il faut que je demande. Où est-ce qu’il habite ?

    – Je crois qu’en ce moment Elizabeth est à Buckingham Palace. Mais il faudrait vérifier.

     L’agent était étonné. Il crut d’abord que Sherockee se moquait de lui.

    – Si c’est une blague, ça n’est pas drôle. Je vous le redemande : où habite-t-elle ?

    – Mais vous êtes bouché ou quoi ? Je vous dis que mon amie habite à Buckingham Palace ! Elle s’appelle Elizabeth Alexandra Mary, ses enfants s’appellent Charles, Anne, Andrew et Edward, elle a quatre-vingts ans passés et elle est toujours debout sur ses jambes à régner dans ses robes bien repassées ! Mais merde pourquoi on ne me croit jamais ! 

    Sherockee s’était énervée au fur et à mesure des phrases. Elle avait parlé franchement fort et les gens autour s’étaient retournés. Elle tourna la tête vers le hublot pour ne pas qu’ils voient l’énervement sur son visage. Elle posa sa tête sur sa main et resta comme cela, le temps de se calmer. L’agent ne demanda plus rien, de peur de l’énerver encore une fois. Le reste du voyage se passa dans le plus grand des silences entre eux deux. Sherockee avait fini par s’endormir. Elle laissa l’agent seul avec ses pensées pendant tout le trajet. Lui finit par retourner avec les autres agents, pour faire part de sa stupeur face aux mots de Sherockee. Il n’avait pas compris pourquoi elle s’était autant énervée. Les deux autres agents lui dirent que c’était normal, qu’elle avait un mauvais caractère. Lorsque l’annonce de s’accrocher fut passée, Sherockee dormait encore. Elle se réveilla lorsque les roues de l’appareil touchèrent le sol . Lorsque l’avion s’arrêta, les agents lui demandèrent d’attendre que tout le monde sorte ; c’est ce qu’elle fit. Lorsque tout le monde fut sorti, elle prit son sac et sortit, entourée des trois agents. Elle ne dit rien lorsqu’ils l’emmenèrent dans la voiture, lorsqu’ils s’assirent à côté d’elle, leurs armes dans les mains et elle ne dit rien non plus pendant le trajet. Lorsqu’ils furent devant Buckingham, Sherockee ouvrit la portière pour sortir, mais fut retenue par les agents avec leurs armes.

    – Qu’est que vous voulez faire là ?

    – A votre avis ? Je veux me présenter devant les grilles, pour me demander à voir la reine ! Vous croyiez vraiment que vous pourriez rentrer dans Buckingham Palace comme dans un parking ? Vous êtes vraiment crétins !

    Elle prit son sac et sortit de force. Les agents sortirent en trombe pour la suivre. Elle contourna la grande grille devant laquelle étaient amassés tous les touristes venus là et sema les agents dans la foule. Elle marchait vite, sans se soucier de leurs appels derrière. Elle arriva à une petite grille, cachée entre les arbres, dans le mur. Elle fit un code, puis parla une seconde dans le haut-parleur et rentra. Elle ferma la porte derrière elle, laissant les agents dans la rue. Ils lui crièrent de leur ouvrir, mais elle continua sans se retourner et sans les écouter. Elle marcha dans le parc et arriva sur le côté du palais. Elle fut accueillie par un homme du service royal. Il la conduisit jusqu’à la reine, qui était dans un petit salon au couleur orangée et or. Lorsque Sherockee arriva, elle fit une petite révérence, que la reine lui rendit. Elle posa le sac de vêtements sur le sol. 

    – Je ne les ai pas utilisés, ils sont encore propres. Merci beaucoup pour ce que tu as fait, désolée de t’avoir dérangée hier, je n’avais pas pensé au décalage horaire.

    – Ce n’est pas grave ! Par contre, en échange, je voudrais bien que tu t’arranges pour que personne ne remonte jusqu’à moi, je tiens encore un peu à ma réputation.

    – Oui, ne t’inquiète pas, je prendrais tout sur moi… Ou j’accuserais James ! Non, je ne suis pas assez méchante pour ça. Et puis, ils m’ont retrouvé, ils sont en train d’essayer de trouver le code d’accès pour rentrer. Autant te dire qu’ils ne sont pas prêts de rentrer !

    – Et te connaissant, tu n’as pas prévu de retourner les voir, n’ai-je pas raison ?

    – Tu as tout compris ! Encore une promesse que je n’ai pas tenue ! Tant pis, une de plus ou une de moins, ça ne change pas beaucoup… Je vais prendre les arbres du parc, enfin, si tu veux bien, et puis je sauterais le mur et j’irai direct… A Paris tiens ! J’irai faire un peu de shopping !

    Elles riaient. Elizabeth proposa du thé à Sherockee qui accepta. Elles discutèrent encore un moment en sirotant leurs boissons et en croquant parfois dans de petits gâteaux, toujours en rigolant. Puis, Sherockee regarda par la fenêtre.

    – Il ne faut pas que je traîne, sinon ils vont réussir à dégoter un mandat pour rentrer ici. Ah ! Oui ! Avant de partir : est-ce qu’ils ont passé ma photo dans les journaux ?

    – Et ton nom avec, malheureusement pour toi.

    – Tant pis… Merci encore, si tu as besoin de moi, tu sais que tu peux me demander, si un jour tu arrives à me joindre. Au revoir !

    – Oui, au revoir et à bientôt j’espère !

    – Ne t’inquiète pas là-dessus !

    Sherockee prit le gilet dans le sac et sortit, laissant Elizabeth seule. Elle sortit dans le parc et monta dans un arbre. Elle salua la souveraine de l’arbre et commença à sauter. Elle s’arrêta juste au-dessus de la grille par laquelle elle était entrée. Un agent était encore en train de s’énerver et de râler sur l’homme qui l’avait accueilli, devant la grille. Elle sauta sans faire de bruit et continua. Lorsqu’elle fut au bout du parc, elle descendit sur le haut du mur et regarda en bas, qu’aucun agent ne soit là. Ensuite , elle choisit un angle de saut pour passer de l’autre côté sans se faire voir. Elle mit sa capuche et sauta sur un bus puis sauta encore une fois pour arriver sur le toit du bâtiment de l’autre côté de la rue. Ensuite, elle marcha sur les toits jusqu’à la gare de King Cross Saint Pancras. Elle ne se pressa pas. Arrivée à la gare , elle descendit de son perchoir, sans enlever sa capuche. Elle se fondit dans la masse phénoménale de personnes qui allaient prendre le métro ou le train pour le continent. Elle prit soin de toujours être cachée par sa capuche, ou par son épaisse chevelure. Elle avait fait changer ses cheveux de couleur, ils étaient blonds et châtains. Lorsqu’elle fut arrivée en plein milieu de la gare, elle rencontra deux agents de la sécurité. Elle accéléra le pas. Les agents ne la remarquèrent même pas. Elle continua son chemin, passa  tous les contrôles avec un faux passeport et un faux billet pour le train de quatorze heures, toujours sans se faire voir. Pour elle, s’était presque trop facile. Elle arriva prêt du train. Elle regarda le haut de la machine. Lorsqu’un flot de passagers arriva, elle sauta sur le haut du wagon et s’allongea rapidement sur le ventre. Elle se tapit, si bien que personne n’aurait deviné qu’elle était là. Elle resta immobile jusqu’à ce que le train démarre . Là, elle se redressa légèrement, juste pour voir la sortie de la gare. Lorsque le train prit de la vitesse, toujours contrôlée, elle se redressa et avança sur les wagons. Elle s’assit ensuite sur le devant du train, le premier wagon était devenu son repère. Elle aimait bien lorsque la vitesse du train lui giflait le visage et soulevait ses cheveux. Elle aimait la vitesse. Elle profitait du paysage, tranquillement assise. Personne ne pouvait la voir. Personne ne se doutait qu’elle était là. Mais elle redoutait malgré tout l’arrivé dans le tunnel. Elle ne savait pas si elle devrait rester couchée tout le temps du passage sous la mer.

    « Au moins, je pourrais dormir… Mais bon, tout ce temps à dormir… Je sens que je vais m’énerver! Tant pis, je vais bien voir. »

    Le train était maintenant sorti de la périphérie de Londres et allait encore plus vite. Sherockee était toujours assise en tailleur. Elle ne bougeait pas malgré la vitesse. Elle regarda sur les côtés. La campagne défilait, trop vite pour voir un détail, sous l’imposante masse de ferrailles et de taules que formaient le train et la ligne de chemin de fer. La verdure anglaise se prolongeait loin, trop loin pour la voir complètement. Sherockee se redressa et regarda devant. La mer était visible maintenant. Sherockee en déduit que cela faisait un peu plus de trente minutes qu’elle était là-haut. Le train avait maintenant atteint la vitesse qu’il allait garder dans le tunnel. D’ailleurs, celui-ci se rapprochait. Sherockee s’allongea et attendit. Le train rentra dans le tunnel. Sherockee ne bougea pas. Elle attendit instants et essaya de se relever. Elle put se mettre assise sur ses genoux, mais elle se ravisa lorsqu’elle sentit le haut du tunnel tout près. Elle commença à chercher quelque chose à faire.

    « Descendre sur le pare-brise et faire peur au conducteur ! Non, si je me montre… Je ne vais pas finir le voyage. Faire des scoubidous avec mes cheveux ! Non, je ne vais pas pouvoir les défaire et le look rasta… Très peu pour moi ! »

    Elle réfléchit encore un peu avant de laisser tomber. Elle resta allongée. Finalement elle ferma les yeux. Elle écouta les discutions entre le conducteur du train et quelqu’un d’autre. Elle entendit des ragots très intéressant à son goût. Elle entendit des choses que personne n’aurait dû entendre, à part ceux qui parlaient en dessous. Elle rigolait de temps en temps. Et le temps passa, si bien que le train finit par sortir du tunnel. Sherockee se redressa et s’étira. Le train allait s’arrêter à Calais puis à Lille avant de s’arrêter à Paris. Sherockee regarda autour d’elle. Le ciel était nuageux, même très nuageux. Quelques parcelles de ciel bleu arrivaient malgré tout à percer l’épaisse couche de nuages. Sherockee se recula sur le wagon et se tapit. Le train commençait à ralentir. Puis, il s’arrêta. Changement de conducteur et le train repartit. Sortit de la gare, Sherockee se redressa. Maintenant, une fine pluie tombait. Sherockee du se coucher, la pluie et la vitesse du train combinées lui fouettaient beaucoup trop le visage. Le train reprit de la vitesse. Sortit de Calais, le vent se leva. Sherockee commençait à avoir froid. Elle se mit sur le côté et se roula en boule. Elle resta comme cela jusqu’à ce que le train passe dans une réserve de lacs. Là, elle se redressa. Elle était émerveillée par le paysage, elle regardait autour d’elle avec enchantement. Elle aurait pu rester là des heures. Le train traversa une petite commune, entre Calais et Saint-Omer. Sherockee était assise en tailleur, toujours à regarder le paysage passer. Elle n’avait pas l’attention de bouger. Elle était heureuse de ne plus avoir à courir ; pour une fois, elle utilisait quelque chose qui lui permettait de ne pas avoir à le faire. Elle respira profondément et toussa. L’air frais et humide s’était introduit trop vite dans ses poumons. Le train traversa une nouvelle commune. Puis, le train passa encore des villages, puis des rivières et des champs. Sherockee était tranquille. Elle n’avait toujours pas bougé. Le train se rapprochait de Lille. La jeune femme s’allongea. Le train bifurqua dans la gare et embarqua d’autres passagers pour Paris avant de repartir. Sherockee se releva après que le train ait quitté la gare de Lille. Cette fois, le train traversait des villes et de grandes routes.

    « Quel massacre… Et dire que je leur avais donné de la terre avec des arbres, des fleurs, de la verdure, des animaux… J’aurai presque pu leur donner seulement de l’eau et du sable et ils auraient fait la même chose ! Mais quel massacre… Et après ils se plaignent d’avoir plein de maladies toutes bizarre, de mal respirer et tout ça… En même temps, je ne peux pas tout faire non plus ! S’ils se massacrent eux-mêmes, tant pis ! »

    Sherockee était désespérée de ce qu’elle voyait. Elle retrouva la sourire lorsque le train eut passé Lens et qu’il arriva dans un paysage plus vert. Malheureusement, elle ne put pas en profiter très longtemps. Au bout de quelques minutes, une main voulu l’attraper mais rata son épaule. Elle poussa un cri. La vitesse et le coup combinés furent un choc si violent que Sherockee fut projetée par-dessus l’autoroute. Elle essaya de s’agripper à celui qui avait essayé de l’attraper. Elle se raccrocha à une manche et entraina l’autre. Danam essaya de se défaire de l’emprise de Sherockee, mais elle était trop forte. Malgré la douleur dans son épaule, elle avait réussi à l’agripper à la gorge. Il se débattait, essayait de l’étrangler aussi, de défaire ses doigts de sa gorge, mais elle ne lâchait pas.

    Ils tombèrent dans les arbres, cassèrent plusieurs branches et même plusieurs troncs. Ils roulèrent, Sherockee toujours agrippée à la gorge de Danam qui se débattait comme il le pouvait. Il n’avait plus de souffle. Ils roulaient dans cette forêt, malgré les nombreux arbres qui auraient pu arrêter leur course. Tous se cassaient. Sherockee et Danam étaient griffés, leur peau arrachée par les troncs qui se cassaient et les branches d’arbres qui pendaient et qui semblaient attendre leur passage. Ils roulaient encore et encore. Sherockee avait légèrement relâché son emprise à cause de son épaule douloureuse et Danam qui lui avait donné des coups. Elle se défendait contre lui, mais il avait maintenant pris le dessus. Les arbres étaient de plus en plus espacés, ils arrivaient tout près de la rivière, la Somme.

    Sherockee voulu ralentir leur course, mais Danam la maintint au sol. Ils étaient maintenant arrivés sur le bord de la rivière. En une fraction de secondes, Danam mit Sherockee en dessous de lui, la forçant à ne plus bouger. Ils étaient trop rapides et Danam avait trop de force pour que Sherockee puisse essayer de s’arrêter.

    Le choc avec l’eau froide sur le dos de Sherockee.

    Elle fut pétrifiée. Danam esquissa un sourire lorsqu’ils rentrèrent tous les deux complètements dans l’eau. Il la frappa au ventre, elle le lâcha. Même dans l’eau, il avait une grande force. Sherockee lui rendit ses coups, mais il lui semblait se battre pour rien. Danam avait trop de force, elle ne pouvait pas lutter. Il frappa la tempe de Sherockee. Plusieurs fois. Elle le frappa au même endroit, maintes fois, lutta encore quelques secondes, mais malgré ses efforts, elle perdit connaissance.


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